
Certains changements d’orientation sont radicaux. Comme celui d’Odile Gérard, qui se destinait initialement à la… puériculture. Après quelques expériences en tant qu’aide familiale - et des épreuves personnelles -, elle décroche un travail chez un chauffagiste, une connaissance de sa famille. Sa nouvelle carrière est lancée. Six ans plus tard, Odile combine aujourd’hui un travail de salariée et une activité d’indépendante complémentaire.
Odile, tu avais initialement prévu d’être puéricultrice. Mais est-ce qu’il y a toujours eu une chauffagiste en toi ?
C’est sûr que j’ai toujours aimé les activités manuelles. À treize ans, j’ai monté tous les meubles de ma chambre. Et j’étais toujours partante pour tondre la pelouse ou grimper sur un tracteur. Bref, il était clair que je n’allais pas finir dans un bureau.
J’étais dans une phase incertaine de ma vie quand j’ai décroché un travail chez un chauffagiste.Au début, c’était tout de même du travail de bureau, mais ça n'a pas duré longtemps.
Et l’expérience t’a plu, puisque tu as décidé de retourner sur les bancs d’école ?
Oui, en cours du soir à l’IFAPME j'ai fait trois ans pour être chauffagiste et comme je le savais qu'on demandait beaucoup de techniciens brûleurs, j'ai fait une année supplementaire.
Quand on suit une formation le soir après avoir travaillé toute la journée, il faut vraiment s’accrocher. En rentrant, je m’écroulais. D’ailleurs, on était 20 au départ, mais seulement 4 à finir la formation. Beaucoup avaient sous-estimé la difficulté technique du métier, d’autres ont eu des soucis physiques.
Et aujourd’hui, où en est ta carrière de chauffagiste ?
Elle est bien remplie ! Je travaille 40 heures par semaine chez mon patron et en plus, je fais d’autres chantiers à côté en tant qu’indépendante complémentaire, les soirs et les week-ends. Alors oui, je travaille beaucoup. Mais je me dis que c’est aujourd’hui que je peux me donner à fond. Je n’ai pas encore de famille et j’ai une énorme soif d’apprendre. Et puis, j’ai parfois du mal à dire non quand on me propose un chantier, surtout quand il promet d’être intéressant. Plus tard, je me calmerai sans doute…

Tu as déjà travaillé sur des chantiers insolites ?
Oh oui ! J’ai travaillé dans un moulin, des écoles, et plus récemment, un château. Ça n’a plus rien à voir avec une maison unifamiliale ; les chaudières sont énormes, sans parler de la tuyauterie. Dans le château, par exemple, on travaillait avec des tuyaux à plus de quatre mètres de haut. Chaque chantier est différent et c’est ce qui m’amuse. À chaque fois, c’est un défi : je veux me prouver que j’en suis capable.
Quels sont les autres aspects qui te plaisent dans ton métier ?
Tout d’abord, il y a la fierté qu’on ressent quand on réalise un montage parfait. Une salle de bains, par exemple, on sait que les gens vont en profiter trente ans quand on a fait du bon boulot.
Et puis c’est un apprentissage quotidien. Ça fait six ans que je suis dans ce métier et j’apprends tout le temps. Mais même mes collègues plus âgés me disent qu’ils apprennent encore en permanence.
Aimer apprendre est donc essentiel dans un métier comme celui de chauffagiste ?
Absolument. Suivre une formation de chauffagiste, c’est une chose, mais il faut aussi avoir la volonté de se former soi-même par la suite. Tant la technologie que les réglementations évoluent vite, alors il faut se mettre à jour tout le temps.
Beaucoup de chauffagistes de l’ancienne génération sont restés dans le mazout et se contentent de s’occuper de maisons unifamiliales. Mais les jeunes chauffagistes ne peuvent pas se permettre ce raisonnement. Ils vont devoir travailler avec les nouveaux systèmes de chauffage. Aujourd’hui, on voit beaucoup de cogénération, avec d’une part une pompe à chaleur et d’autre part, une installation au gaz. Tout est automatisé, mais il faut relier tous ces systèmes et c’est assez complexe…
De manière générale, quelles difficultés rencontres-tu parfois ?
Les gens veulent tout, tout de suite. Certains t’appellent un dimanche à 19h pour une histoire de toilettes qui coulent. Heureusement, avec le temps, j’arrive à mieux faire le tri.
Ensuite, il y a les problèmes réellement urgents : là, bien souvent, on travaille au finish. On ne peut pas quitter le chantier sans avoir réglé une fuite d’eau, par exemple. Il m’est arrivé d’arrêter le travail à 23h.
J’avoue que parfois, j’ai du mal à oublier le travail pendant mon temps libre, surtout quand j’ai un gros chantier en cours. Mais c’est dû aussi au fait que je travaille tant pour l’instant. Si on fait juste un temps plein chez un patron, c’est beaucoup plus gérable.

Tu travailles beaucoup, mais est-ce que le revenu suit ?
Oui ! Les chauffagistes font partie des métiers les mieux payés dans le secteur de la construction. Bien sûr, le travail de formation et de recherche n’est pas rémunéré, mais dans l’ensemble, je gagne bien ma vie.
Qu’en est-il des stéréotypes de genre dans ce type de métier ?
Honnêtement, je n’ai jamais eu droit à des remarques désobligeantes. Les clients sont étonnés de voir débarquer une femme mais, en général, ils réagissent très positivement. Surtout les femmes : elles sont fières de savoir que c’est une autre femme qui va gérer le chantier !
Ensuite, je crois que tout dépend de l’attitude. Une femme qui voudrait se lancer, mais qui demanderait tout le temps un traitement privilégié, ça ne passerait pas du tout. Bien sûr, il ne faut pas se mentir : nous n’avons pas tout à fait le même corps, ni la même force physique que les hommes. Je demande parfois de l’aide, mais je dirais que je fais 80 à 90% de ce que font les hommes en termes de force. Au début, j’avoue que c’était un peu la galère. Mais j’ai développé des muscles et aujourd’hui, je suis beaucoup plus forte qu’avant.
En gros, si on montre de quoi on est capable, on gagne le respect des autres. Mais il ne faut pas hésiter à recadrer tout de suite une personne qui vous manquerait de respect.
Un dernier conseil pour les jeunes qui souhaiteraient se lancer ?
Foncez ! Il y a plein de demandes dans tous les métiers techniques, alors vous n’avez rien à perdre. Et si on est prêt à y mettre toute son énergie, il y a de très belles opportunités.