Amaury, Field Service Engineer : « Tout est possible, quand on y met du sien »

Après un parcours scolaire compliqué et une multitude de petits jobs, Amaury (33 ans), a eu un déclic : il voulait un vrai métier, polyvalent et à la sécurité d’emploi assurée. Aujourd’hui, en tant que Field Service Engineer chez Schneider Electric, il assure la climatisation de data centers. Un job complexe mais passionnant. Son conseil : « Tu veux être irremplaçable ? Diversifie tes compétences ! »

Que fait un Field Service Engineer ?

Chez Schneider Electric, nous assurons la sécurité d’approvisionnement en énergie pour des entreprises. Dans mon service, nous nous occupons principalement de data centers, et plus particulièrement de leur climatisation. Car pour fonctionner, les data centers ont besoin d’une température et d’une qualité d’air constantes. Je travaille à la mise en service, la maintenance et le dépannage de ces installations de climatisation.

Pour nos clients, le fonctionnement ininterrompu des data centers est vital. Car bon nombre d’outils que nous utilisons au quotidien en dépendent complètement. Pensez à une app bancaire, par exemple : il est impensable qu’elle ne fonctionne pas de manière prolongée. On réalise rarement que derrière tous ces outils, il y a des data centers qui les font tourner, et des techniciens qui les entretiennent.

C’est un job à responsabilité. Quelles qualités sont indispensables pour l’exercer ?

Il faut être méticuleux et aller jusqu’au bout des choses. Et avoir une certaine résistance au stress : car si quelque chose ne va pas, nous devons intervenir immédiatement et continuer jusqu’à trouver la solution. Nous fonctionnons en partie comme les métiers médicaux, avec des soirées et des weekends de garde.

« Mes parents sont médecins, donc c’était un drôle de choix à leurs yeux - mais ils me voient épanoui et sont rassurés ! »

N’est-ce pas compliqué à combiner avec une vie privée ?

Ça reste tout à fait gérable. Nous sommes plusieurs à assumer les permanences, et quand ce n’est pas notre tour, il n’y a aucune obligation à être joignable. En fait, beaucoup dépend de l’organisation au sein de l’entreprise. Bien sûr, dans une grande organisation, il y a plus d’options de back-up. Dans une petite entreprise, il faut parfois être plus disponible.

Mais les petites structures ont elles aussi leurs atouts : on peut vraiment y toucher à tout, ce sont d’excellents lieux d’apprentissage qui rendent très polyvalent. Et puis elles sont plus maniables, plus adaptables, alors qu’une grande structure est plutôt comme un gros paquebot.

Et toi, comment as-tu démarré ta carrière ?

J’ai eu un parcours scolaire très chaotique. Je comprenais vite, mais je n’avais pas la maturité qui allait avec. Mon rêve était de devenir pilote dans l’aviation, mais je n’osais pas me lancer - d’autant qu’il fallait s’endetter. Finalement, j’ai démarré des études d’ingénieur industriel. Et ça a été le fiasco total.

J’ai atterri dans une impasse qui a duré plusieurs années. J’ai enchaîné les petits jobs, j’ai même fait une année de service volontaire à l’armée. Je ne savais pas où j’allais, je n’arrivais pas à faire de choix. Je crois que j’aurais aimé vivre 1.000 vies, pour pouvoir faire 1.000 métiers.

« On réalise rarement que derrière tous ces outils, il y a des data centers qui les font tourner, et des techniciens qui les entretiennent. »

Comment es-tu sorti de cette impasse ?

Vers 21 ou 22 ans, je me suis rendu compte de la situation précaire dans laquelle j’étais. Et surtout, j’avais vu beaucoup de précarité autour de moi. Dans tous ces petits jobs, les gens étaient considérés comme interchangeables. Moi, je faisais partie des chanceux : je vivais encore chez mes parents, dans une situation plutôt confortable. Mais j’ai réalisé que si je voulais arriver à quelque chose dans la vie, j’allais devoir me secouer.

Un jour, j’ai effectué des recherches en fonction de deux critères : je voulais un métier à la fois polyvalent et en pénurie. Polyvalent parce que j’avais envie de toucher à différents aspects, et un côté à la fois manuel et intellectuel ; et en pénurie, parce que je voulais un métier où j’étais sûr de trouver du travail et de pouvoir le garder. La précarité dans certains secteurs m’avait vraiment marqué…

Et là, je suis tombé sur le métier de frigoriste. Je me suis inscrit à une formation en alternance à Gembloux : 1 jour de formation théorique, et le reste de la semaine, stage en entreprise. Et dire qu’en commençant, je savais à peine planter un clou…

« Un jour, j’ai effectué des recherches en fonction de deux critères : je voulais un métier à la fois polyvalent et en pénurie. »

Comment as-tu évolué par la suite ?

Dès mon stage, j’ai su que je ne voulais pas rester ouvrier. Et pour ça, il fallait continuer à me former. J’ai donc entamé un BAC en techniques du froid. Je travaillais en journée, et le soir j’étudiais. Je ressentais le besoin de me confronter à des problèmes plus complexes. Pour moi, le job idéal comporte un bon mix entre routine et challenge.

Aujourd’hui, j’effectue un Master à distance à l’HELHA, en Datacenter Engineering Training. Et j’apprends plein de choses utiles pour mon métier.

À quel point est-ce important d’avoir envie d’apprendre, dans ton métier ?

Je crois que c’est essentiel. D’autant qu’on est vraiment à un moment charnière. Le cloud computing, l’Internet of Things, les data… Rien que ces dernières ont un impact majeur en termes de possibilités de monitoring. De plus en plus, on peut suivre énormément de choses à distance grâce aux données. Une de nos missions est d’ailleurs d’aider les clients dans leur transformation digitale et dans l'automatisation de leur gestion énergétique.

En parlant de gestion énergétique, la durabilité est-elle un enjeu-clé dans ton métier ?

Les data centers sont de grands consommateurs d’énergie, sans oublier que la climatisation se fait à l’aide de gaz réfrigérants potentiellement nocifs pour la couche d’ozone. Donc forcément, les enjeux sont énormes. On peut agir à différents niveaux : l’IT essaie de développer des machines moins énergivores, et de notre côté, nous développons des produits réfrigérants moins polluants et des processus de climatisation plus efficaces. En plus, nous conseillons nos clients en matière d’énergie, de développement durable et d'optimisation du cycle de vie de leurs installations.

Comment ton entourage a-t-il réagi à ton choix de carrière ?

Mes parents sont médecins, donc forcément, c’était un drôle de choix à leurs yeux. Mais ils étaient soulagés aussi de me voir reprendre ma vie en main après mes années difficiles. Ils ont suivi mon évolution et aujourd’hui, ils me voient épanoui. Je crois qu’ils sont rassurés !

À quels stéréotypes es-tu confronté parfois ?

Aujourd’hui, je donne des cours dans la section Cours Industriels de L'Institut des Arts et Métiers à Bruxelles, un soir par semaine. Et là, je constate que pour beaucoup de jeunes, les métiers techniques sont encore synonymes de travail pénible, de longues heures, de salaires bas et de manque d’opportunités.

Alors il ne faut pas se mentir : dans le métier d’ouvrier, c’est en partie la réalité. Certains s’en contentent très bien et je respecte ça. Par contre, c’est une erreur de croire qu’il n’y a aucune possibilité d’évolution. Plus tu diversifies et complexifies tes compétences, plus tu deviens irremplaçable. Et là forcément, l’employeur est prêt à payer plus cher pour te garder.

« N’hésite jamais à saisir toutes les opportunités d’apprendre. »

Un dernier conseil de carrière ?

Les langues sont essentielles dans notre pays. Je ne parle pas d’être bilingue, mais de se débrouiller, maîtriser un peu de jargon dans l’autre langue. Si tu ne parles pas du tout le néerlandais, tôt ou tard tu seras bloqué si tu veux évoluer. Et dans l’IT, évidemment, un minimum d’anglais est indispensable.

Plus généralement, il ne faut jamais hésiter à se former, saisir toutes les opportunités d’apprendre. Nous avons la chance de vivre dans un pays où c’est très facile : les formations et études sont nombreuses, et elles sont subsidiées la plupart du temps.

Quand j’étais plus jeune, je voyais les diplômes comme un bout de papier, et beaucoup de jeunes continuent malheureusement à les considérer de cette manière. En réalité, un diplôme c’est un moyen de s’émanciper, de gagner en indépendance. Tout est vraiment possible, quand on y met du sien.

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